Ce retable, d'une composition particulièrement soignée, est l'oeuvre de deux artistes bretons du début du règne de Louis XIV :
Jean Berthouloux de Morlaix, retablier et sculpteur de la Marine et Jacob Alix, maître peintre de Tréguier.
L'analyse démontre la qualité du travail et l'étroite collaboration de ces deux artistes
et en analysant la composition dévoile les résonnances plastiques entre l'architecture sculptée et la peinture centrale.
Le retable du Rosaire de l'église Saint-Pierre de Plougasnou
(1668)
un savant support de la dévotion au milieu du XVII°s
Première partie. le retable : une architecture sacrée
Le retable (retabulum de retrotabulum, panneau de derrière) se présente comme une façade posée sur l’autel.
C’est une structure architecturée - le plus souvent en bois - assemblant panneaux et baies
dans lesquelles sont placés ou peints des personnages dignes de vénération.
Trois aspects à étudier en interrelation:
* la structure architecturée déterminant le schéma constructif de l'ensemble
* L' iconographie = personnages et scènes de dévotion,
* La composition = articulation de l'espace et des formes
Comme la plupart des retables, celui de Plougasnou se présente comme le seuil d’un édifice imaginaire s’ouvrant sur le sacré. Rien n’y manque :
Colonnes
entablement
fronton
niche sommitale
seuil
et ouverture centrale
Àgauche le porche sud de l'église Saint-Pierre de Plougasnou et à droite le retable du Rosaire, une troublante ressemblance...
Utilisation des formes de l’architecture de la Renaissance, elles-mêmes inspirées de l’Antique.
Étroites correspondances avec le frontispice de 1570 des quatre livres d’architecture de V. Palladio
.
Niche sommitale où la Reine des vertus remplace Marie
Les anges sur les rempants du fronton brisé, soufflant dans les trompettes de la Renommée
Deux figures allégoriques portant les instruments symboliques de l’architecture. Elles désignent du même geste que sur le retable le centre du frontispice.
Le thème du Rosaire :
Il accompagne au Moyen-Âge le développement du culte marial : les Cisterciens développent d’abord la dévotion du Rosaire, reprise ensuite par les Dominicains
.Ludovic Brea 1510
église Ste-Marie-Madeleine à Biot Alpes Maritime.
Partie centrale d’un retable, ce tableau reprend l’iconographie de la Vierge de Miséricorde protègeant les humains agenouillés dans les plis de son manteau,
mais en y ajoutant l’iconographie de la remise du Rosaire.
«Maitre Jan Berthouloux» de Landerneau
Retablier, Maître-sculpteur à Morlaix
il est connu dès 1639 comme sculpteur et peintre.
Il est un des premiers à introduire le décor baroque en Basse-Bretagne au début des années 1650.
Il a travaillé à Saint-Melaine de Morlaix en 1639, à Saint Thégonnec en 1640. Il a réalisé le tabernacle de Saint-Jean-du-Doigt en 1647/48.
Puis il s’est installé à Brest, comme sculpteur de la Marine. Il meurt en 1685.
On remarque en bas l’insertion d’une copie inversée d’une toile de Nicolas Poussin peinte entre 1649/50 et conservée au Louvre.
Treize ans avant le retable de Plougasnou, il a réalisé le retable du Rosaire de Plougastel-Daoulas en 1654-55 et celui de Sizun en 1655.
Le décor sculpté du retable de Plougasnou
Les colonnes torses.
Les pampres dorés des vignes se détachent parfaitement sur les marbrures gris bleuté du fond
À leur pied des enfants nus, disputent les raisins à de petits animaux sauvages.
Seconde partie : l'iconographie de la toile de Jacob Alix
Jacob Alix a 46 ans lorsqu’il peint cette toile. C’est la seule oeuvre que l’on ait conservée de ce peintre de Tréguier. Il meurt en 1672.
« Jacob Alix a peint en l’an du Seigneur 1668 »
la grandeur inhabituelle de cette signature étonne.
Les peintres signaient alors plus discrêtement, intégrant souvent leur nom sur un élément de la figuration.
C’est certainement pour équilibrer la mention peu modeste de la donation du recteur Jan Le Court.
Le dais protecteur,
au creux duquel sont la Vierge et l’enfant, évoque directement le thème du manteau de la Vierge de Miséricorde dont l’iconographie s’est développée à partir de XIII° siècle.
Jean Mirailhet 1394 - 1457 . Vierge de Miséricorde vers 1425 (partie centrale d'un retable)
Dans cette toile on ne se regarde pas !
Les angelots soutenant le dais.
Dominique et Catherine
Ici le chien est blanc et roux, vraisemblablement un choix esthétique du peintre, un couleur plus chaude se détachant mieux du fond verdâtre.
La palette...
Sur une dominante froide de gris argentés ou bleutés, des rehauts de lumière et de couleurs.
la couleur la plus puissante du tableau: les modulations de rouge vermillion du dais
Ce rouge est tempéré par le vert grisâtre et assourdi du terrain et des arbres.
L’or des auréoles et du manteau de la Vierge, résonne bien avec les ors de la structure en bois du retable.
Le grand S inversé de la robe rouge grenat de la Vierge.
Les roses des chairs des visages et des mains.
Le bleu sombre des manteaux.
Les rehauts clairs, gris ou blancs du ciel, du chien, des vêtements.
Les gris plus sombres du ciel et des nuages chevauchés par la Vierge.
…et le globe vert turquoise, qui semble tomber du haut du retable des mains de Dieu le père
Troisième partie : l'architecture du retable, proportions et composition
Insertion de la toile dans le retable
Les proportions harmoniques de la toile d'Alix
Une composition symétrique
La composition de la toile est coordonnée à celle du retable
Quelques dissymétries suffisent pour animer et introduire la vie dans cette « conversation sacrée »
BIBLIOGRAPHIE :
"Plougastel -Daoulas, Sizun, Plougasnou : trois retables du Rosaire de Jean Berthouloux"
Georges Le Ber (Ébéniste- restaurateur)
et Georges Provost (maître de conférences d'histoire moderne à l'Université de Rennes 2)
Article paru dans Société archéologique du Finistère,
Histoire et patrimoine..Tome CXXXII – année 2003
"Dictionnaire des artistes, artisans et ingénieurs…." Yves Castel et alii - Société archéologique du Finistère, 1987
"Les retables du Rosaire dans le Finistère" Louis Grall 2010
"La Pala ou le retable italien des origines à 1500" André Chastel . 1993
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Plougasnou est un gros bourg du Finistère au bord de la mer à 17 km au nord de Morlaix
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Présentation animée téléchargeable en Format PowerPoint :
première partie : le retable, une architecture sacrée et l'iconographie sculptée
seconde partie : l'iconographie de la toile de Jacob Alix
troisième partie : l'architecture du retable, proportions et composition
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