tableau peint en 16O5-16O6. Caravage a alors 32 ans. Il lui reste moins
de 5 ans à vivre.
Dimensions : 399 x 245 cm
L’œuvre a été peinte pour l’église Santa Maria della Scala in Trastevere à Rome.
Le sujet
Genre noble. Tableau à sujet religieux
La Vierge est la mère de Jésus-Christ. Pour les catholiques, Marie, conçue exempte du péché originel (dogme de l'immaculée conception), aurait conçu Jésus tout en restant vierge par l'intermédiaire du Saint
Esprit (doctrine de la conception virginale).
Une salle vide, pauvre. Aucun mobilier sinon un grabat, un méchante chaise et une bassine. Aucune décoration seul un drap rouge accroché au plafond qui forme comme un étrange dais. Cela donne une impression de dénuement, de pauvreté, cela renforce l'impression de tristesse. L'espace est clos, sans issue. Représentation réaliste d'un drame humain.
Les personnages représentent les apôtres du Christ et Marie Madeleine pleurant la Vierge Marie, morte, allongée sur un lit. Mais les modèles qui ont posé pour le peintre sont certainement tous des personnes réelles, recrutées par le peintre dans la rue ou parmi ses compagnons d'aventures. La Vierge est une jeune femme aux pieds un peu boursouflés, au ventre gonflé. On a même accusé Caravage d'avoir pris pour modèle une prostituée ! Au lieu d'avoir le visage tourné vers le ciel, vers l'espérance, la jeune femme a le visage tourné sur le coté. Seul élément surnaturel du tableau, l'auréole à droite de sa tête.
Le refus de l'oeuvre
Les commanditaires du tableau - le contrat de commande de ce tableau précisait: "peindre dans un délai d'un an un tableau représentant le Transitus Beatae Mariae Virginis..." - attendaient au contraire la représentation d'un lieu plus somptueux et des portraits idéalisés, mieux à même de rendre compte de la divinité ou de la sainteté des personnages. Ils attendaient aussi les symboles habituels de la résurrection prochaine. "Transitus" , désigne le passage de l'âme vers l'au-delà, ce que les orthodoxes appellent la Dormition. En effet dans les représentations traditionnelles de la mort de la vierge, à la place de la tenture rouge du fond, est souvent représenté un ciel qui s'ouvre avec le christ vêtu du rouge de la majesté entouré d'anges attendant la vierge.) Or Caravage représente la vierge morte et la douleur des vivants, hommes et femme, ses proches. Rien n'évoque l'espoir triomphal d'une résurrection. C'est vraisemblablement la raison du refus des religieux.
Voici une représentation traditionnelle de la Dormition de la Vierge:
icône de la Dormition de la vierge. Fin XV° siècle. École de Novgorod (Russie)
Ici le Christ , au centre, recueille l'âme de sa mère sous la forme d'un bébé emmailloté.
La mise en valeur du drame.
La lumière vient de ll'angle supérieur gauche.
et éclaire violemment la scène comme un "coup de projecteur".
La plus grande partie de la scène reste dans l'ombre.
La plupart des personnages tournent le dos à la lumière et ne sont qu'effleurés par elle. Seule la Vierge a la moitié de son corps en pleine lumière. Ce clair-obscur accentue le sentiment du tragique.
L'aspect dramatique de la scène est renforcé par l'attitude des personnages dont les attitudes montrent le chagrin (visages cachés dans les mains ou corps effondrés de douleur).
La robe rouge-orangée de la vierge a pour rappel la lourde draperie rouge, qui, comme une sorte de dais inquiètant, semble planer au dessus la scène comme une menace.
La composition.
Le regard est constamment dirigé vers la Vierge. (voir une partie des trajets possibles sur le schéma fléché). Le regard suit ainsi un parcours en zigzag lentement descendant vers le visage éclairé de la vierge.
Le visage et le haut du corps de la Vierge sont en effet les parties les plus éclairées , les plus claires du tableau. Ces parties claires sont immédiatement cernées par des zones très sombres. C'est le contraste du clair-obscur. La juxtaposition de ces zones très sombres renforce encore l'impression de luminosité de ces parties éclairées.
L'ensemble des parties les plus vivement éclairées du tableau s'inscrivent dans un grand triangle.
On peut aussi remarquer qu'en rabattant le petit côté du tableau sur le bas du grand on obtient les 2/3 inférieurs où sont inscrits tous les personnages.
De même le corps horizontal de la Vierge vers lequel tous s'inclinent correspond à la limite marquée par le rabat du petit côté sur le grand mais à partir du haut.
La main droite de la vierge occupe un point remarquable du tableau : le point d'or. En mesurant le rapport des distances de ce point aux côtés opposés, aussi bien horizontalement que verticalement on obtient approximativement 1,618.
On obtient ce même rapport en divisant le côté entier par le plus grand segment allant d'un bord au point d'or. On retrouve approximativement cette proportion en divisant le grand côté du tableau par le petit.
C'est un proportion harmonieuse utilisée depuis l'Antiquité. Elle aurait été utilisée par les architectes des Pyramides ou du Parthénon. Elle établit un jeu de rapports tel que la plus petite partie d'une ligne est dans le même rapport à la plus grande que la plus grande au tout.. Voilà peut-être encore un des griefs des religieux commanditaires du tableau, pourquoi placer en ce point prestigieux la main de la Vierge et non pas sa tête ?
Les apôtres, debouts, affligés, s'inclinent progressivement vers le corps allongé de la Vierge. Ce corps est comme appuyé sur Marie-Madeleine recroquevillée de chagrin sur elle-même. Scène d'une désespérance absolue...
La lourde draperie rouge semble aussi l'exprimer, se redressant lentement, elle retombe comme épuisée, refermant cette scène de désolation.
En vert les sections dorées déterminant le point d'or de la main. L'axe du bras de la Vierge va rejoindre la médiane horizontale (en rouge).
De ce point partent aussi l'inclinaison de l'apôtre au premier plan et une ligne du dessin très géométrique de la robe de Marie Madeleine, ces deux droites aboutissant dans les angles droits de la toile.
Enfin remarquons que cette section d'or (en vert) attire à elle deux obliques : celle du bas du corps de la vierge et celle de trois apôtres...
Quelques détails saisissants :
Trois mains en triangle
L'alignement de ces trois têtes d'apôtres...
Absorbé par son travail et la vie débridée et brutale des milieux populaires ce maître de la tragédie et du clair-obscur ne nous a pas laissé d'autoportrait.
Ci-dessous détail d'une toile peinte en 1606. Caravage est alors en fuite, condamné par contumace à Rome à la décapitation pour le meurtre d'un noble d'une puissante famille. On pense que Caravage aurait donné son visage à cette tête décapitée du géant Goliath...
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